Dans quelles conditions peut naître un décompte général et définitif tacite ?

Dans son arrêt du 12 mai 2025 (n° 494301)**, le Conseil d’Etat (CE) nous rappelle la rigueur des conditions de naissance d’un décompte général et définitif (DGD) tacite.

Dans cette affaire, l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) avait conclu un marché portant sur la construction d’un bâtiment. L’un des lots dudit marché, « menuiseries extérieures et façades », s’était vu confier à un groupement d’entreprises (Entreprise Carré et SMAC).

Un litige était né quant au solde dudit marché. La Cour administrative d’appel (CAA) de Toulouse avait retenu qu’un projet de DG avait été notifié par l’entreprise Carré le 17 mars 2020. Cette notification déclenchait le mécanisme de tacite acceptation (CCAG Travaux 2014) en l’absence de réponse de l’INRAE dans les 30 jours suivant cette même notification (délai prévu par le CCAP). La Cour avait par conséquent accordé 68 000 euros au groupement d’entreprises au titre du solde.

Le Conseil d’État juge, quant à lui, qu’en prenant une telle décision la Cour a dénaturé les pièces du dossier : le courrier du 17 mars 2020 ne constituait, ni dans la forme, ni dans le contenu, un projet de DG. Il s’agissait d’une réponse de l’entreprise à un document du 11 mars 2020 de l’INRAE, intitulé « décompte général » mais ne concernant en réalité qu’une partie du lot concerné. En outre, l’annexe du courrier de l’entreprise, bien qu’intitulée « projet de décompte général définitif », était une copie d’un précédent décompte final envoyé en 2019.

Le rapporteur public souligne que la Cour a donné au courrier « un sens grossièrement erroné tant par rapport à son contenu qu’à son contexte », et que le caractère non équivoque d’une notification de projet de décompte général est une condition impérative pour faire naître un décompte tacite.

Comme le souligne le Conseil d’État, la notification du DGD doit être explicite et régulière, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Cette exigence de notification formelle, qui faisait défaut ici, s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence stricte en matière de formalisme contractuel dans les marchés publics.

Ainsi, le CE avait déjà censuré un arrêt de la CAA de Toulouse dans lequel cette dernière déduisait la notification à partir d’éléments ambigus (CE, 29 décembre 2023, Commune de Saint Thibéry, n° 470274). La preuve de ladite notification n’était aucunement rapportée au dossier, alors même que la commune contestait expressément le caractère définitif du décompte. L’absence de preuve de notification rendait ainsi la créance incertaine et inopposable à la personne publique.

A l’instar de l’arrêt Commune de Saint Thibéry*, le Conseil d’Etat réaffirme, dans son arrêt du 12 mai**, que le caractère définitif d’un décompte général, conditionnant l’existence d’une créance exigible, suppose une notification à la fois régulière, certaine et non équivoque. Il se limite au contenu objectif des décisions contractuelles notifiée

* CE, 29 décembre 2023, Commune de Saint-Thibéry, req. n° 470274