🚀 IA et commande publique : où en sommes-nous ?
Synthèse de la conférence tenue depuis le Salon des Maires et des collectivités 2025 par Marchés Online !
En octobre 2025, le dernier rapport du Sénat sur la transformation numérique des collectivités locales posait une question claire : « Pourquoi l’intelligence artificielle, qui révolutionne déjà tant de secteurs, peine-t-elle encore à s’imposer dans les marchés publics ? » La réponse n’est pas technique, mais stratégique. L’IA n’est plus une promesse lointaine, mais un outil disponible. Pourtant, selon les données les plus récentes, moins de 20% des collectivités l’utilisent pour leurs achats. Alors, où en sommes-nous vraiment ? Entre attente et action, entre prudence et opportunité, comment trouver la bonne voie ?
Les faits sont là : le Règlement européen sur l’IA est en vigueur depuis plus d’un an, les solutions se multiplient, et les questions deviennent pressantes dans nos services :
- « Peut-on utiliser l’IA pour analyser les offres ou optimiser nos procédures ? »
- « Comment faire pénétrer une solution d’IA dans ma collectivité ? »
- « Par où commencer, quand on n’a ni expertise ni budget dédié ? »
Pour ce temps d’analyse, Delphine Launay (Marchésonline) avait réuni Fabrice Richoux (Consultant-expert IA et Commande publique) et Aymeric Hourcabie (Avocat expert en contrats publics) afin d’explorer ces enjeux stratégiques et d’apporter des réponses concrètes aux acteurs publics.
Les questions stratégiques abordées
1️/ Peut-on analyser des offres grâce à l’IA ?
Oui, mais le contrôle humain est indispensable.
L’IA peut constituer un outil précieux pour faciliter l’analyse des offres dans les marchés publics. Elle permet de traiter rapidement de grandes quantités de données, d’identifier des anomalies ou de proposer des analyses préliminaires.
Toutefois, le verdict est clair : l’intervention humaine reste essentielle pour garantir une évaluation juste et conforme aux exigences légales. L’IA est un levier d’efficacité, pas un substitut au jugement des agents publics.
2️/ Doit-on indiquer son usage de l’IA dans son règlement de consultation ?
Non.
Cette question a suscité un débat intéressant. La position qui s’est dégagée : on n’indique pas utiliser Excel dans un RC, pourquoi le faire pour l’IA ?
L’IA doit être considérée comme un outil au service de l’acheteur public, au même titre que d’autres logiciels ou méthodes d’analyse. L’obliger à mentionner son usage risquerait de créer des nids de contentieux inutiles et de freiner l’innovation sans réel bénéfice pour la transparence.
3️/ Peut-on interdire l’usage de l’IA aux entreprises candidates ?
Non.
Interdire aux candidats d’utiliser l’IA soulève plusieurs difficultés :
- Comment détecter son usage dans la préparation des offres ?
- Cette interdiction apparaît invasive et disproportionnée
- Elle risquerait de pénaliser les entreprises sans servir l’intérêt public
L’approche retenue : plutôt que de restreindre l’innovation, mieux vaut s’assurer que les critères d’évaluation restent pertinents et que le contrôle des offres soit rigoureux.
4️/ L’IA : un atout pour les petites entités publiques et entreprises.
Au-delà des grands établissements, l’IA peut apporter un coup de main précieux aux entités les plus petites.
Les collectivités de taille modeste, les petites entreprises qui manquent parfois de ressources humaines dédiées à la commande publique, peuvent s’appuyer sur l’IA pour :
- Améliorer leur sourcing
- Faciliter la rédaction de documents de consultation
- Optimiser l’analyse des offres
L’IA devient ainsi un facteur d’égalité en permettant à tous les acteurs publics, quelle que soit leur taille, d’accéder à des outils performants.
5️/ Quelle est l’empreinte carbone et l’impact environnemental de l’IA ?
Une question cruciale qui devient une préoccupation majeure pour les fournisseurs d’IA.
L’impact environnemental de l’IA est considérable et fait l’objet d’une attention croissante de la part des acteurs du secteur. Mistral AI a publié en juillet 2025 la première analyse de cycle de vie complète d’un modèle d’IA, réalisée avec Carbone 4 et l’ADEME selon la méthodologie Frugal AI de l’AFNOR.
Les données de Mistral AI : une première transparence
Après 18 mois d’utilisation, Mistral Large 2 a généré 20,4 milliers de tonnes de CO₂ (équivalent aux émissions annuelles de 4 400 Français), 281 000 m³ d’eau consommée.
Pour une simple requête de 400 tokens via Le Chat, l’impact équivaut à 1,14 g de CO₂ (soit 10 secondes de streaming vidéo ou 55 secondes de streaming selon d’autres sources), 45 mL d’eau.
L’étude révèle une relation proportionnelle entre la taille d’un modèle et son empreinte environnementale : un modèle dix fois plus volumineux génère un impact dix fois supérieur pour le même nombre de tokens produits.
Les fournisseurs d’IA s’engagent
La sécurisation des données et la réduction de l’empreinte carbone deviennent des priorités stratégiques pour les acteurs de l’IA.
Recommandations pour un usage responsable
Face à ces enjeux, plusieurs bonnes pratiques se dégagent :
- Privilégier l’IA pour des tâches complexes qui justifient réellement son usage.
- Éviter de recourir à l’IA pour de simples recherches d’informations.
- Formuler des questions précises et concises.
- Sensibiliser les utilisateurs aux impacts environnementaux.
Verdict : l’IA, un formidable levier… sous conditions
L’intelligence artificielle représente une opportunité majeure pour moderniser et optimiser la commande publique. Elle peut améliorer l’efficacité, réduire les délais et faciliter l’accès aux marchés publics pour tous les acteurs.
Mais cette révolution n’est viable qu’à condition de :
- Poser les bons garde-fous juridiques et éthiques.
- Maintenir un contrôle humain systématique sur les décisions.
- Adopter un usage responsable conscient de l’impact environnemental.
- Garantir la transparence et l’équité à chaque étape du processus.
Merci pour ces échanges riches et constructifs !
Cette conférence a permis de poser les jalons d’une intégration réfléchie et responsable de l’IA dans la commande publique. Les débats ont montré qu’innovation et respect des principes fondamentaux du droit public ne sont pas incompatibles, à condition d’adopter une approche pragmatique et vigilante.
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