La signature mixte (manuscrite et électronique) est-elle autorisée en marchés publics ?

Dans un arrêt du 2 octobre 2025 (Chambres réunies, n° 501204), le Conseil d’État (CE) a apporté une clarification sur une question qui constituait un véritable casse-tête pour les acheteurs publics : la validité d’une signature mixte dans les contrats de la commande publique, c’est-à-dire lorsqu’une partie signe électroniquement et l’autre manuscritement.

Contexte

La dématérialisation progressive des marchés publics soulève de nombreuses questions pratiques sur les modalités de signature des contrats. Le principe de parallélisme de signature, qui voudrait que les deux parties signent selon le même procédé, semblait jusqu’alors s’imposer aux acheteurs publics. Cette décision vient assouplir cette interprétation stricte.

Faits de l’affaire

Un concurrent évincé d’une procédure de marché public a introduit un recours contestant la validité du contrat attribué. Sa contestation portait sur les modalités de signature du contrat :

  • le titulaire du marché avait signé le contrat électroniquement ;
  • l’acheteur public avait signé le contrat manuscritement.

Le requérant soutenait que cette signature mixte rendait le contrat invalide, au motif qu’il n’existait aucun document original signé par les deux parties selon le même procédé.

Position de la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) avant cet arrêt

Dans son guide pratique de la dématérialisation publié en 2020, la DAJ adoptait une position restrictive. Elle indiquait qu’en cas de signature mixte : “seul le contrat signé électroniquement a le statut de document original. L’autre document n’est qu’une copie. Aucune des deux parties ne dispose d’un original signé des deux parties. Une telle situation est donc à éviter.”

Cette recommandation conduisait les acheteurs à privilégier systématiquement un parallélisme strict dans les modes de signature.

Solution retenue par le Conseil d’État

Le Conseil d’État, en formation solennelle, a adopté une position pragmatique et libérale.

Principe posé : “Il ne résulte ni de l’article R. 2182-3 du code de la commande publique, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, en particulier de l’arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique, qu’un contrat signé électroniquement par l’une des parties ne pourrait pas être signé de façon manuscrite par l’autre partie.”

La Haute juridiction administrative consacre donc la validité de la signature mixte dans les contrats de la commande publique. Aucun texte n’impose que les deux parties utilisent le même procédé de signature.

Implications pratiques

1. Pour les acheteurs publics :

  • Ils peuvent désormais signer manuscritement un contrat signé électroniquement par le titulaire, ou inversement.
  • Cette souplesse facilite la gestion des procédures, notamment lorsque des contraintes techniques ou organisationnelles empêchent l’utilisation systématique de la signature électronique.
  • Le parallélisme strict des signatures n’est plus une obligation juridique.

2. Pour les opérateurs économiques :

  • La signature mixte ne constitue pas un motif de contestation de la validité du contrat.
  • Les modalités de signature prévues dans le règlement de consultation (RC) ne créent pas nécessairement d’obligation réciproque pour l’acheteur.

3. Absence d’obligation de réciprocité : Le fait que le règlement de consultation impose dans l’affaire que “le contrat sera signé par le seul attributaire de manière électronique” n’implique aucune obligation de réciprocité pour l’acheteur. L’acheteur reste libre de choisir son mode de signature, même si le RC impose un mode particulier au titulaire.

Source

Conseil d’État, Chambres réunies, 2 octobre 2025, n° 501204

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